Histoire Biblique : Les Dix Tribus Perdus d’Israël et la légende de Sambation

Depuis de nombreuses années, les historiens, les aventuriers et les explorateurs sont fascinés par les légendes des tribus perdues d’Israël. Des érudits juifs ont également cherché vers quels pays les tribus ont pu se diriger après la destruction des Premier et Deuxième Temples et cela a fait l’objet de spéculations et de débats. Et si personne n’a jamais pu les identifier de manière concluante, nous en avons eu des indices — et peut-être même des aperçus — tout au long de leur long exil.

L’article de Pamela Barmash « Au carrefour de l’histoire et de la mémoire- L’histoire des Dix Tribus Perdues », rappelle que les tribus du Royaume du Nord existeraient encore intactes et se situeraient au-delà de la rivière mythique appelée le Sambatyon, qui était agitée toute la semaine charriant des pierres et qui, miraculeusement, se calmait le chabbat et si, en théorie, on pouvait alors le traverser, on ne devait pas le faire. Seule l’arrivée du Messie avec la résurrection des morts autoriserait ce passage. Le nom de Sambatyon viendrait de “shabbat”, jour de repos pour la rivière et pour les hommes. Le fleuve serait une sorte de mur empêchant les tribus exilées d’Israël de revenir de leur exil. Barrière physique ou psychique, ou simplement celle de l’oubli.
Cela avait suscité un certain enthousiasme. Il est étonnant de constater que la recherche des dix tribus ne se soit développée que plusieurs siècles après la chute du Royaume du Nord appelé également Ephraim. Après sa destruction, de nombreux habitants sont quand même restés dans leur patrie ancestrale et une autre partie des habitants a fui vers le sud et a vécu parmi leurs compatriotes au royaume de Juda ; ceux des royaumes d’Israël et de Juda qui ont été déportés en exil en Mésopotamie, se sont mélangés. Ce n’est qu’après la fin de la période du Second Temple que la notion des dix tribus perdues, inviolables et inaccessibles, s’est développée.
Il y a donc une forte disjonction entre ce qui est réellement arrivé aux tribus du Nord et la mémoire de l’événement.

Que disent les sources juives sur ces tribus ?

Quand les dix tribus d’Israël ont été emmené en exil par les Assyriens, le texte énumère certains des endroits où elles ont été envoyées et, selon Rabbi Yo’hanane, si les lieux ont été mentionnés c’était dans le but de signaler que leurs résidents se sont disqualifiés du peuple car ils se sont unis avec des personnes des pays que sont aujourd’hui l’Irak, l’Iran ou la Syrie et ont engendré des non-Juifs. Parmi ces endroits il y a ‘Hala’h, Hara, ‘Habor et la rivière Gozan (Gazni) qui seraient de la région du Peshawar (prononcé Pesh-Havor) en Afghanistan où les signes seraient les plus flagrants. Là-bas, chez les 15 millions de Pachtounes, il existe des tribus aujourd’hui musulmanes qui, selon des récits de voyageurs européens, se sont convertis à l’Islam au 19ème siècle mais qui portent encore le nom des tribus bibliques, Efridi, Rabani, Shinwari, Gadun, Lawani et Samani qui sont à l’évidence les noms d’Éphraïm, de Reouven, d’Asher, de Gad, de Lévi et de Simon. À l’origine, ils devaient appartenir aux « Bni Israil » (Enfants d’Israël) ou aux « Yusuf Zyes » (Enfants de Joseph – La tribu d’Éphraïm était la plus puissante du royaume d’Israël) mais ne se considéraient pas comme des Yahoudis (Juifs). La Guémara rapporte qu’en réalité, seule la tribu de Dan serait allée en Afrique et les autres sont restées au nord d’Israël avant de partir, pour une partie, vers l’Orient et l’Extrême-Orient, au-delà du Sambatyon.
Pour Rabbi Yéhoudah ben Rabbi Simoun, les tribus de Judah et de Benjamin ont été exilées dans tous les pays au-delà du Sambatyon mais elles se rassembleront et reviendront à Jérusalem.

D’après l’opinion majoritaire de nos Maîtres, appuyée par les Prophètes, les Tribus dispersées reviendront totalement au temps du Messie qui ramènera chacun sur sa parcelle de terre en Israël. Ce qui semble avoir déjà commencé sont les recherches du rabbin Avihaïl qui a tenté toute sa vie de retrouver les tribus perdues situées en Afghanistan, en Inde, en Birmanie, en Chine ou au Japon et cela en fonction de leurs pratiques religieuses communes avec celles du judaïsme qu’elles se sont transmises de génération en génération comme la cacherout, la pureté familiale ou le talith. Par exemple, les Pathans ont conservé des arbres généalogies remontant aux Israélites avec des noms comme Rabani (Réouven), Shinwari (Shim’ôn), Achouri (Asher). Selon le rabbin Avihaïl, parmi tous les peuples d’Afghanistan, seuls les Pathans auraient un type sémite avec des yeux bleus, le teint clair et portant la barbe. Ils s’abstiendraient de travailler le Shabbat, feraient la circoncision à huit jours, et la femme devrait se tromper dans de l’eau à la fin de sa période d’impureté. Il y aurait beaucoup à dire sur les pratiques de ces gens, mais ce qui est intéressant, c’est que, de manière globale, ils sont toujours restés entre eux, à garder des Traditions plusieurs fois millénaires, et la foi dans leurs origines Israélites.

Les Tribus dispersées ne sont donc pas si « perdues » que cela, et sont toujours restés en Asie pour leur grande majorité (bien que certaines aient migré jusqu’en Extrême-Orient, et Dan en Afrique).

D’après la description des anciennes sources rabbiniques, le Sambatyon n’est pas un fleuve où l’eau coule mais qui charrie du sable et des pierres. On raconte que la contrée est remplie d’un bruit semblable au tonnerre qui n’est pas produit par les vagues mais par la poussée et le roulement des pierres sur son lit. Mais, la particularité si spécifique de la légende de ce fleuve est qu’il s’arrête parfois de couler. Certains ont cherché l’origine de cette légende dans des fleuves qui ont un cours intermittent dans le monde mais ce n’est pas pour des raisons physiques que le cours de l’eau du Sambation varie ; le fait que le fleuve transporte du sable et des pierres n’est pas un hasard et il faut en chercher la raison ou la signification. Cette particularité si spécifique et manifeste n’est rien par rapport au but principal de la légende telle qu’on la croit et qui serait que la nature est le témoin miraculeux du jour du chabbat, celui où la création s’est reposée ; le fleuve ne manifeste aucune force pour charrier du sable et des pierres ce jour-là.
La croyance en l’existence du fleuve était si ferme que l’historien juif Flavius ​​Josèphe parle du Sabbaticus (Σαββατικον) et dit qu’il était ainsi appelé en raison du jour saint du Shabbat ; il le situait entre Arka au nord du Liban et Raphanée au nord de la Syrie.
Pline l’ancien affirmait, quant à lui, qu’il y avait en Judée un fleuve qui s’assèche chaque shabbat.
Rabbi Naḥmanide, Ram

ban, identifiait la rivière au fleuve Habor (Al-Khābūr) mentionné dans la Bible (2 Rois 17:6). Tout comme Rabbi Akiba et le rabbin portugais du XVIIe siècle, Manassé ben Israël.
Le Sambation était un sujet très populaire dans la littérature médiévale, et certaines versions du Roman d’Alexandre racontent qu’Alexandre le Grand l’a trouvé lors de ses voyages.

Quel serait le lieu de leur exil 

Obadia de Bertinoro, connu sous le nom de « La Bartenura », était un rabbin italien du XVe siècle surtout connu pour son commentaire populaire sur la Mishna. écrit qu’il fut informé par les Juifs d’Aden, qui à leur tour en avaient entendu parler par des marchands musulmans, que le fleuve était situé à environ cinquante jours de marche de leur position, dans le désert ; le fleuve coulait six jours par semaine, et au-delà vivaient des Juifs descendants de Moïse, saints et purs comme des anges, qui ne pouvaient jamais le quitter, car en faisant cela ils auraient profané le chabbat.
Le voyageur Eldad Ha Da

ni qui vécut au IXème siècle est parti à la recherche des tribus perdues et retrouva celle d’Issachar près du royaume des Perses ; en continuant son voyage il trouva celle de Zeboulon dans la province d’Arménie qui s’établissait jusqu’à l’Euphrate puis celle de  Ruben qui lui faisait face. Dans son périple, les très belliqueuses tribus d’Ephraïm et la demie de Manassé se trouvèrent dans le sud de l’Arabie. La tribu de Siméon et l’autre partie de la tribu de Manassé étaient situées sur la terre des Khazars qui s’étendait de la Georgie à l’Azerbaïdjan. La tribu de Dan a émigré vers l’Afrique et l’Éthiopie, rejoint peu après par les tribus de Nephtali, de Gad et d’Asher.

Esther Attal