Billet d’Humeur : Kaddish de l’espoir
Kaddish pour les morts et les vivants disons plutôt. Car cette prière est bien étrange : ” Dans le monde qui sera renouvelé, où Il ressuscitera les morts et les élèvera à la vie éternelle et rebâtira la ville de Jérusalem et rétablira Son temple en Son enceinte et retirera les cultes idolâtres étrangers de la terre. Et le service céleste reprendra et le Saint, béni soit-Il, régnera dans Sa royauté et Sa splendeur”…. Plus qu’une prière pour le deuil, elle est par les présents qui répondent “amen”, un témoignage de vie. Car cette supplique est aussi un vœu, une requête et une invitation à la fois. Le Kaddish tant prononcé depuis presque deux ans de guerre en Israël, de père sur les tombes de femmes et d’enfants, de mères et d’épouses sur les fils et les maris, est paradoxalement le dernier message d’espoir que le vivant, même brisé, témoigne à ceux qui ne sont plus. De ce Kaddish, le vivant en enterrant ses chers reprend déjà des forces pour le combat de la vie jusqu’à même être un soutien pour les autres. Étrange prière en vérité, non pas une prière pour les morts, mais une prière pour Dieu. Car cette prière est le secret du peuple juif. Une prière dans laquelle Dieu nous enseigne une dernière chose : l’abnégation. Le culte des morts n’existe pas et c’est presque avec précipitation que les corps sont mis en terre. Pendant sept jours, celui qui souffre, est entouré des bras protecteurs de toute une communauté de frères et ce ne sont plus des pleurs que l’on entend, mais les meilleurs souvenirs qui sont contés. C’est alors la solidarité, l’ensemble, l’unis qui devient une nouvelle force qui se transmet de l’un à l’autre, une nouvelle flamme face à l’adversité. Comme une chaleur physique, un contact, qui nous cimente tous pour transformer notre volonté en un courage presque surhumain.
À côté de nous, partout dans le monde, le peuple juif est confronté à la haine. À l’antipode de ce que nous sommes, un peuple qui chante la vie, ils, nos ennemis antisémites, ont rempli leurs cœurs de haine. Haine d’avoir créé ou d’être né en enfer pour les arabes de Gaza, haine de l’autre qui est heureux pour l’extrême gauche, haine ensemble de celui qui construit, qui vis et qui avance, haine de ces inconnus pour les gazaouis, si proches, dont les villas des Juifs aux toits de tuiles et la réussite défie leur pauvreté. Une haine voulue, entretenue et cultivée jusque dans les écoles, qui forge leur identité et leur esprit. Une éducation de la mort qui baigne leur quotidien, et brouille leur cerveau. Ce quotidien qui a l’odeur âcre de la puanteur des pneus brûlés, dans lequel résonnent des cris de haine, dans un culte de la mort.
Humblement nous sommes face à la haine un peuple de prière. C’est la prière qui nous sauve la vie. Sans la prière nous aurions perdu la raison. “Nos prières sont la clé du matin et le verrou du soir. C’est cette alliance sacrée entre Dieu et les hommes pour obtenir d’être délivré des griffes du prince des ténèbres”. Gandhi. Il avait compris que la prière a deux facettes, c’est une demande des hommes à Dieu, mais pas seulement, c’est aussi et ne l’oublions jamais, un constat de l’alliance des hommes et de Dieu que l’on témoigne, qui nous empêche, devant la cruauté de certains hommes, de perdre la raison !
Étrange ce kaddish.
Étrange ce déchirement qui nous apparaît au fil des phrases. Ces mots qui nous rappellent à la mémoire du peuple juif, à sa mission et à son essence, à ce Dieu unique qui se révèle pour la première fois à Abraham. Mais étrange aussi notre attitude parfois, qui traduit une incertitude sur le droit des Juifs à vivre en bonne conscience sur leur terre. Étrange déchirement entre nos prières qui rappellent avec force le droit des Juifs, des Hébreux, à la fierté nationale, et notre manque de confiance.
C’est à ce défi d’identité, de choix, qu’Israël est confronté aujourd’hui : être des Hébreux ou terminer sa mission sur la terre. Hébreu, nom donné au premier Juif Abraham, parce qu’il avait su traverser, être de l’autre côté, dans l’histoire des hommes et de l’humanité pour nous conduire vers un autre monde et d’autres valeurs marquées de justice et de vérité. Espérons que le peuple juif retrouve la confiance l’unité et la foi en l’Éternel.
Richard Sitbon